La révolution du numérique

dans la diffusion cinématograhique

 

Augmentation de la fréquentation : Monsieur Verrechia s'est trompé.

Depuis 12 ans on a construit 146 multiplexes. Monsieur Verrechia, patron d'UGC, prévoyait alors que la fréquentation allait passer à 250 millions d'entrées annuelles. Or depuis 12 ans la fréquentation oscille entre 160 et 170 millions d'entrées. Avec les multiplexes c'est avant tout le public des jeunes qui était visé ; c'est tout l'inverse qui s'est produit, le public des moins de 25 ans a baissé de 50 % en 10 ans et le public senior a augmenté. La vérité, et on va le voir encore plus avec le numérique, c'est qu'en matière de distribution cinématographique, l'économie a une influence secondaire. On ne fait pas venir les gens au cinéma en leur permettant de manger des pop-corn, on vient au cinéma pour la part de rêve, d'évasion et de découverte (à travers l'échange) qu'offre la salle de cinéma, là où la lucarne télévisuelle est très réductrice.

Les habitudes changent avec le numérique

Le numérique avec le DVD, la TNT, l'internet haut débit et le téléchargement, accroît considérablement les possibilités de diffusion de l'oeuvre cinématographique. Pour la diffusion en salle, le système actuel va être complètement bouleversé. Le voeu du CNC est de conserver le 35 mm pour la réalisation des films, de même qu'on ne peut réglementer la pratique de l'alpinisme en mettant un gendarme en bas de chaque montagne, on ne pourra empêcher des réalisateurs de tourner leurs films avec des caméras numériques ; avec la diminution des coûts on va assister à une explosion de l'offre. Avec la disparition des copies, c'est tout le secteur du transport et même celui de la distribution qui va disparaître. Une fois le transfert d'un film 35 mm en numérique effectué, on pourra le dupliquer en nombre et le diffuser via le câble, l'adsl ou le satellite sans aucune limite. Il y a fort à parier que les producteurs vont s'entourer de commerciaux pour assurer la promotion et la plus large diffusion de leurs films, le métier de producteur va évoluer, celui de distributeur va disparaître ; c'est le producteur qui traitera en direct avec les diffuseurs. Actuellement les copies 35 mm ont un coût qui vient s'ajouter à celui de la réalisation, de plus la plupart des films ayant une durée très courte, les distributeurs veulent avoir les copies en sortie nationale. Les multiplexes assurent plus de la moitié de la fréquentation, ils exercent une pression économique sur les distributeurs ; avec le numérique au contraire, les copies ne coûtant plus rien, le principal souci du producteur sera de diffuser son film dans le plus grand nombre de salles possible sans tenir compte de leur fréquentation. À une échelle beaucoup plus petite, on va voir des réalisateurs-producteurs-distributeurs, tournant en numérique, réalisant par exemple des documentaires régionaux ou des courts métrages ; ces réalisateurs vont eux-mêmes contacter les diffuseurs, les cinémas de proximité seront les seuls à pouvoir, grâce à la souplesse de leur structure, diffuser ce genre d'oeuvre. Si on fait un rapprochement avec la musique, on remarque que dans la microdiffusion, la distance artiste-public va considérablement se raccourcir.

La technique peut faire augmenter la fréquentation mais surtout assurer une meilleure répartition sur tout le territoire.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes, il y a 1 077 salles associatives ou municipales sur 2 006 au total ; ces 1 077 ne représentent que 8 % de la fréquentation. Ces salles sont dites de proximité et beaucoup d'entre elles sont des salles uniques situées en milieu rural ou dans de petites villes. Maintenant l'adsl, la télévision numérique ont atteint les campagnes, quel peut bien être le rôle d'une salle de cinéma en milieu rural ? Le cinéma c'est une part de rêve que ne peut offrir la télévision. Encore faut-il que les salles soient suffisamment performantes pour pouvoir transporter ce spectateur dans le rêve. Une petite salle, non gradinée avec un petit écran collé au plafond, des copies rayées (on ne peut les avoir lors de leur sortie) ça ne peut pas transporter le spectateur dans le rêve, il préfère rester seul devant son écran. On le remarque pour toutes les activités culturelles, en ayant abondance de l'offre à la télévision, il faut vraiment proposer quelque chose de différent au spectateur pour le faire sortir de chez lui. En zone rurale la salle des fêtes est souvent le seul endroit avec l'église où les habitants du bourg peuvent se rassembler. Une salle de cinéma ne peut être que polyvalente et doit pouvoir accueillir toutes les manifestations culturelles. Une salle de cinéma en Image Totale remplit beaucoup plus que cette mission car, si c'est une salle de théâtre ou de concert tout à fait correcte, c'est une salle de cinéma beaucoup plus performante que n'importe quelle salle de multiplexe. C'est à travers ces salles de cinéma virtuel, où l'écran n'est plus une barrière entre le spectateur et l'acteur car la perception physique de l'écran n'existe plus, qu'on rétablira le rêve. La construction d'un cinéma municipal est financée en plus grande partie par la commune et il n'est pas prévu d'amortissement de l'infrastructure. C'est donc uniquement l'exploitation qui est prise en compte, et une salle de cinéma ultra-performante et polyvalente se rapprochera beaucoup plus facilement de l'équilibre qu'une salle classique. Au niveau national, l'augmentation de la fréquentation en zone rurale provoquerait une réelle augmentation car elle ne viendrait nullement diminuer celle des grands centres urbains. Même si on a assimilé vente de films et vente de pop-corn, le second reste beaucoup plus facile à vendre et surtout coûte beaucoup moins cher à produire. Mais si le produit est cher, son acquisition est collective mais s'il faut se réunir pour manger le gâteau, il faut que celui-ci soit tellement bon qu'il nous emmène au ciel !

Le cinéma numérique un support presque trop simple

Le film 35 mm n'est qu'un ensemble de diapositives reliées entre elles. Mais tout est dans le terme relié. En effet, en numérique nous avons à faire qu'à des éléments discontinus. Rajouter un court-métrage à un film numérique c'est aussi simple que d'ajouter une ligne à un texte. Mais un projecteur numérique peut aussi projeter une image fixe, ou encore un diaporama. Or la photo est elle aussi passée au numérique et dans une définition et une qualité bien supérieures au cinéma. La publicité au cinéma va donc devenir la chose la plus facile à réaliser et celle qui coûtera le moins cher. Mais là encore, ce ne sont que les cinémas de proximité qui vont être concernés. Pas facile financièrement de diffuser une pub dans un cinéma UGC, tout est centralisé et le ticket d'entrée est fort cher. Les cinémas de proximités vont être très sollicités par les annonceurs, la part des recettes publicitaires devra rester à un niveau raisonnable afin que la pub ne conditionne pas la programmation des salles.

Le cinéma, comme la culture ne sont pas à vendre

Pas à vendre, mais la création si elle ne reste que dans la tête des artistes, personne ne peut en profiter. C'est bien le rôle de l'état et des collectivités territoriales que d'aider et de favoriser la création. Il faut ensuite des lieux pour voir ces créations, théâtres, cinémas etc. Là aussi, laisse-t-on faire le marché ou bien ce sont les spectateurs citoyens qui s'approprient ces lieux ? Création, diffusion tout est mêlé ; notre avenir audiovisuel nous le construisons aujourd'hui, par les choix que nous ferons pour demain.